Où l’on apprend que même les plus convaincus, tel le moine Évagre le Pontique, pouvaient s’ennuyer mortellement en lisant les classiques.
« Il y a certains démons impurs qui se tiennent toujours assis aux côtés de ceux qui lisent, souvent même en prenant prétexte des divines Écritures elles-mêmes, pour aboutir à des pensées mauvaises. Il arrive aussi qu’ils les contraignent à bâiller plus que de coutume et provoquent un sommeil bien lourd très différent du sommeil habituel. Certains frères ont imaginé que c’était l’action d’une mystérieuse réaction naturelle. Pour ma part j’ai observé souvent ce phénomène et voici ce que j’ai compris : ils touchent les paupières et toute la tête et ils la refroidissent de leur propre corps, car les corps des démons sont très froids et pareils à de la glace. Ainsi sentons-nous notre tête comme aspirée par une ventouse, avec un grincement. […] Pourtant le sommeil naturel normalement réchauffe le corps et rend florissant le visage des gens bien portants, comme on peut l’apprendre de l’expérience elle-même. Eux, à l’inverse, provoquent des bâillements contraires à la nature et prolongés, et ils se font tout petits pour toucher l’intérieur de la bouche. Ce phénomène je ne l’avais jusqu’à ce jour pas compris, bien que l’ayant souvent éprouvé, mais j’ai entendu le saint Macaire m’en parler et donner comme preuve que ceux qui bâillent se signent la bouche selon une vieille et mystérieuse tradition. Tout cela, nous l’éprouvons parce que nous ne sommes pas assez vigilants et attentifs à la lecture et oublions que nous lisons les paroles saintes du Dieu vivant. »
Évagre le Pontique [fin du IVe siècle], Sur les pensées, Le Cerf, 1998, §33 , p 267. Traduction par Paul Géhin, Claire et Antoine Guillaumont.
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