Si la terre savait à quel point la comète craignait d’entrer en contact avec elle.
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Son rire est un régulateur de l’aliénation du monde.
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Le secret du propagandiste : faire la bête à l’instar de ceux qui l’écoutent, afin qu’ils se persuadent qu’ils sont aussi intelligents que lui.
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Je ne dors jamais l’après-midi, sauf si j’ai affaire à une administration autrichienne.
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Un propagandiste empoigne le mot. L’artiste attend que le mot le possède.
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La littérature d’aujourd’hui est faite de recettes concoctées par des malades.
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Les hommes sont des sauvages restaurés.
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Un poète lisant son œuvre est semblable à une grande toque goûtant sa cuisine.
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Les femmes sont les meilleures interlocutrices. Avec qui pourtant on s’entretient le moins.
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Les entremetteurs sont les représentants de la normalisation.
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Une femme capable d’utiliser l’acide sulfurique est capable de prendre la plume.
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Un grand nombre de femmes voudraient partager les rêves des hommes sans pour autant coucher avec eux. On leur fait remarquer l’impossibilité d’une telle situation.
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Il n’y a plus de créateurs. Ne subsistent que des représentants.
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Le nigaud qui parle d’art tient l’artiste qui s’exprime pour un prétentieux.
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Les produits de beauté de la femme tiennent à sa conception de l’univers.
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La maladie la plus répandue est celle du diagnostic.
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L’homme politique se fraie un chemin dans la vie, peu importe la manière. L’esthète s’évade de la vie dès qu’une occasion lui est favorable.
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Nous les hommes sauvages. Avec le désir de nous améliorer.
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La femme s’éprend d’un seul homme parmi d’autres. L’homme s’éprend de toutes les femmes en pensant qu’il s’agit d’une femme unique.
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Il ne suffit pas de ne pas saluer. On ne salue pas non plus les gens qu’on ne connaît pas.
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Vos dieux sont ceux du commerce.
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Être digne d’être un artiste : celui qui sait tirer d’une conclusion une énigme.
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La jalousie est une forme d’aboiement qui attire les voleurs.
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L’analyse réduit les hommes en poussière.
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Le bourgeois ne tolère pas, dans sa propre maison, ce qui lui paraît inintelligible.
Extraits de Karl Kraus, Il ne suffit pas de lire, Aphorismes présentés et traduits par Alfred Eibel, Klincksieck, 2019, 78 pages.